Le mot « Désert » n’est pas ici une image de stérilité spirituelle, mais le legs d’une réalité historique douloureuse. Après la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685, les Protestants du Languedoc subissent une répression d’une rare violence.
Sous Louis XIV, la répression ne se limite pas à la destruction matérielle : elle vise la disparition du protestantisme lui-même. Prédicateurs traqués, cultes clandestins réprimés, agir dans la foi relève du défi permanent.
Antoine Court naît en 1696 près de Nîmes, dans une famille modeste et résistante. Orphelin de père à huit ans, il connaît la pauvreté et la peur, mais aussi la persévérance religieuse de sa mère (G. Rérolle, Antoine Court et la restauration du protestantisme français, 1982).
Mais Court n’est pas qu’un « inspiré » : il lit, écoute les anciens pasteurs exilés, et se rend vite compte que la survie du protestantisme ne suffira pas sans une restauration ecclésiale ferme, structurée, fidèle à ses racines réformées.
La période dite des “Prophètes” (1700-1715), marquée par les extases et inspirations spectaculaires, avait permis de maintenir une flamme. Mais Court sent le danger des dérives millénaristes, et de l’anarchie spirituelle.
En août 1715, la première « synode du Désert » se tient à Montèzes, près de Nîmes – un événement inimaginable quelques années plus tôt. On y élit officiellement les anciens, on structure la vie communautaire. Court, à 19 ans, en est l’instigateur principal (source : Synodes de Montèzes, Musée du Désert).
Antoine Court comprit très tôt qu’il fallait des pasteurs correctement formés pour structurer la foi et la vie des communautés :
Cette restauration institutionnelle n’écrasa pas la ferveur populaire, mais lui donna un cadre vivable et durable, permettant aux Églises de tenir bon face à une hostilité persistante.
Une part essentielle du génie d’Antoine Court fut sa capacité à fédérer. Le Désert était un entrelacs de communautés disséminées, souvent isolées.
Cette capacité à faire réseau est l’un des moteurs qui empêcha l’effondrement spirituel et moral au fil des décennies de clandestinité. Le protestantisme cévenol a survécu autant grâce à l’organisation que grâce à la conviction intime de ses membres.
Face à une police vigilante et à une justice féroce, Court opte pour une résistance non-violente, mais déterminée. Il encourage la patience, la discrétion, refuse la tentation de l’insurrection armée. Sur ce point, il diffère de certains héritiers des Camisards qui portaient encore la mémoire du soulèvement (comme Jean Cavalier).
Son hostilité réfléchie à la violence fera durablement école dans la tradition protestante du Languedoc, bien au-delà de son temps.
Les actions d’Antoine Court, d’abord centrées sur le Languedoc et les Cévennes, rayonnent graduellement :
En 1751, un an avant la mort de Court, la première ordonnance royale se montre encline à la tolérance envers les nouveau-nés protestants : un signe d’évolution de la société, et d’une présence protestante qui, grâce à Court, n’a jamais totalement disparu du paysage languedocien.
Le terme « Églises du Désert » résonne encore dans les pasteurs, les anciens et les croyants du Languedoc. La structure presbytérienne-synodale, la fidélité à l’étude biblique, la vie communautaire discrète mais solide : tout cela doit à Antoine Court.
La reconstruction initiée par Antoine Court ne fut pas seulement institutionnelle : elle fut celle d’une espérance, discrète mais obstinée. Un travail de patience, de discernement, d’organisation fraternelle. En redonnant souffle et ossature aux Églises du Désert, il a permis à ces terres du Midi non seulement de survivre, mais d’inspirer, encore aujourd’hui, dans les creux de nos vallées.